![Chaetogaster_limnaei_limnaei_2[1]](https://naturaliste.ovh/wp-content/uploads/2020/11/Chaetogaster_limnaei_limnaei_21-e1606256459398.png)
Je suis en ce moment en pleine écriture de fiches sur les vers aquatiques, notamment ceux que l’on rencontre en aquariophilie. Une de ces fiches est devenue si fournie qu’elle aurait mérité d’être un article de blog. Voici dont une copie de la dite fiche en guise d’article!
Chaetogaster limnaei limnaei est un ver vivant en symbiose avec plusieurs espèces d’escargots aquatiques. L’escargot offre au ver une protection contre les prédateurs et la sécheresse, en retour le ver protège l’escargot des parasites. Certaines souches appelées Chaetogaster limnaei vaghini parasitent le rein des escargots. L’espèce est présente sur tous les continents exceptés l’Antarctique et est ponctuellement observée en aquariophilie.
Alors que tous les vers oligochètes possèdent quatre jeux de soies par segment, deux sur le dos et deux sur le ventre, le genre Chaetogaster ne possède que des soies ventrales qui lui servent de « pattes ». L’avant du corps est également particulier, les cinq premiers segments sont fusionnés et abritent un pharynx adapté à la prédation. Comme la plupart des naiadidés, Chaetogaster se reproduit par bourgeonnement. Les individus en formation sont appelés zooïdes et forment une chaine aisément reconnaissable grâce à un étranglement prononcé précédant chaque nouvelle « tête ». Le ver est plutôt court et épais mais peut être prolongé par jusqu’à dix zooïdes. Incapables de nager, les Chaetogaster se déplacent sur les surfaces dures, les plantes et dans le cas qui nous intéresse, sur des animaux.
Lors de sa découverte, on pensait que C. limnaei était un parasite se nourrissant du mucus excrété par les escargots aquatiques. Cependant les contenus stomacaux indiquent que c’est un prédateur commensal se nourrissant de micro-organismes. Parmi ces micro-organismes on peut trouver des rotifères et des protozoaires, mais également des cercaires et des miracidies, stades larvaires de vers trématodes parasites. En consommant ces larves, le ver protège son hôte des infections. Les vers sont particulièrement nombreux sur les escargots déjà infectés par un parasite, car les cercaires excrétées en continu par l’animal sont une manne pour le Chaetogaster.
Il est à noter que la forme symbiotique peut être considérée comme parasite sur certains hôtes. Les Chaetogaster limaei limnaei habitant dans la cavité mantelaire de Bythinia tentaculata consomment une partie de la nourriture filtrée par l’escargot et l’empêchent ainsi de se nourrir correctement. De plus lorsque le ver s’installe sur un bivalve comme la moule zébrée ou une corbicule, il lui ronge les branchies, le manteau et même les ovaires.
La forme symbiotique se reproduit de manière asexuée tout l’été, formant des chaines de dix zooïdes (contre cinq en hiver). Toujours en été de rares individus sont sexuellement matures mais aucun cocon n’est observé.
Certaines populations sont parasites et se nourrissent des cellules rénales de l’escargot. Les deux formes sont génétiquement différentes et ne sont pas interchangeables. La forme parasite ne sort d’exceptionnellement du corps de son hôte et ne survit pas longtemps en liberté. Si un gastéropode porte des Chaetogaster sur son corps il s’agit de la sous-espèce symbiotique et non parasite. Chose étrange, le rein des gastéropodes infectés semble être sain, suggérant que le parasite ne se nourrit que de cellules malades ou mortes ainsi que des sucres et molécules organiques excrétées par l’organe mais ne blesse pas son hôte.
Contrairement à la forme symbiotique, chez Chaetogaster limnaei vaghini, tous les individus sont matures en hiver et pondent de nombreux cocons dans le rein qui éclosent au printemps. En été, c’est la reproduction asexuée qui domine, mais on observe rarement plus de quatre zooïdes.
Les vers des deux sous-espèces peuvent passer d’un escargot à l’autre lors de l’accouplement. Certains vers quittent leur hôte pour en trouver un nouveau, ils sont alors attirés par les trainées de mucus laissées par les escargots et par les masses d’œufs. Le mucus et les masses d’œufs attirent également les larves de trématodes parasites ce qui permet de nourrir les C. limnaei limnaei en attendant que leur nouvel hôte naisse. Un très large panel d’espèces peuvent être colonisées par C. limnaei limnaei mais seul une poignée sont infectées par C. limnaei vaghini. L’escargot préféré des deux sous-espèces est Lymnaea stagnalis en raison de sa taille et les vers savent reconnaître et choisir leur escargot préféré lorsqu’ils ont le choix entre deux pistes.
Références:
- The protective action of Chaetogaster limnaei on snails exposed to Schistosoma mansoni (Edward H Michelson 1964)
- The population biology of Chaetogaster limnaei limnaei and Chaetogaster limnaei vaghini (Ll D Gruffydd 1965)
- Population dynamics of Chaetogaster limnaei vaghini in a Field Population of Lymnaea stagnalis (Alan Buse 1971)
- The role of Chaetogaster limnaei in the dynamics of trematode transmission in natural populations of freshwater snails (SA Fashuyi & Modupè O Williams 1977)
- Chaetogaster limnaei on Lymnaea tomentosa: Ingestion of Fasciola hepatica cercariae (GR Rajasekariah 1978)
- Population dynamics of Chaetogaster limnaei limnaei as affected by a trematode parasite in Helisoma anceps (Jacqueline Fernandez et al. 1991)
- Chaetogaster limnaei as a parasite of the zebra mussel Dreissena polymorpha, and the quagga mussel Dreissena bugensis (David Bruce Conn et al. 1996)
- Multi-species interactions among a commensal (Chaetogaster limnaei limnaei), a parasite (Schistosoma mansoni), and an aquatic snail host (Biomphalaria glabrata) (Jenna K Rodgers et al. 2005)
- Population dynamics of Chaetogaster limnaei in the field populations of freshwater snails and its implications as a potential regulator of trematode larvae community (Mohamed Moussa Ibrahim 2007)
- The Association of Zygocotyle lunata and Echinostoma trivolvis with Chaetogaster limnaei, an Ectosymbiont of Helisoma trivolvis (Bernard Fried et al. 2008)
- Complex Interactions Among a Nematode Parasite (Daubaylia potomaca), a Commensalistic Annelid (Chaetogaster limnaei limnaei), and Trematode Parasites in a Snail Host (Helisoma anceps) (Michael R Zimmermann et al. 2011)
- Density-dependent relationship between Chaetogaster limnaei limnaei and the freshwater snail Physa acuta (Stefan Stoll et al. 2013)
- Untangling the ecology, taxonomy, and evolution of Chaetogaster limnaei species complex (Ashleigh B Smythe et al. 2015)
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